CHEMIN
Entre moi et ce paysage s’établissait un protocole,
une rumeur, un chuchotement :
si tu viens à moi, je te porterai dans ce lieu
qui te servira de chambre et de livre
Loin du chemin
rien ne se lâche
ni se laisse aller.
Toute la vie y est toujours
comme le lieu premier et vital.
Y être ou pas,
Y marcher ou pas,
cela importe peu.
Le chemin n’appartient à personne
et se donne à tous ceux qui l’inventent.
Pas de choix dans le territoire,
la progression se fait par des tentatives
qui toutes absorbent la lumière
et ne la renvoie nulle part.
Quand le noir en miettes est enfin trouvé
et qu’il malaxe les zones fuyantes,
tous les sons en noyaux
soudent le ciel en un trait régulier
qui distend le haut et le bas.
Délaissée et en attente,
à la limite de la ligne,
cette masse blanche
doucereuse et fuyante,
inspecte chaque parcelle
de la géographie du chemin.
Elle noie et miraculeuse
transforme la vision,
c’est le ciel qui se fend dans la terre,
et lors des mouvements incertains
d’un ou deux animaux,
j’accélère voyant
le glissement agile
de vieux fantômes
Dans un élan,
les noces du cyprès et du ciel
alors que la lumière brille,
vrille, scintille.
Une touche noire
puis un éclat rose,
la mer s’étourdit
dans le chemin sonore
des rouges et des verts sombres.
Tout s’endort, s’éteint,
est-ce le vent ou la mer ?
Au départ,
des jeunes corps sur ce trottoir
qui achèvent la nuit
en m’offrant
quelques pas de danse.
Un peu plus tard
au fond du paysage,
dans la solitude d’une marche forcée,
le silence et l’horizon étrange,
évanouit et brumeux,
un lieu qui n’appartient
qu’à quelques papillons savants
en leurs ultimes valses.
La prairie était un amas de détritus
il ne restait presque plus de vert.
Nous avions pour trajet
des prolongements et des déviations.
Cette nuit était souple et fade.
Plus tard,
des mains et des soupirs,
oui,
quelque instants encore,
comme un solstice d’été différé.
Le confort
dans les chemins et les arbres,
les mots sur les pages,
les images qui s’allument la nuit
et clignotent le jour.
Le seul confort des années,
toutes les années
imaginaires ou rêvées
dans ce refuge.
Oui, mais je n’ai rien vu de l’été,
ni l’ombre ni le haut jour.
Qui avait-il à voir, à aimer ?
Le reflet des mains dans cette source,
la dernière clarté avant le crépuscule,
le chant répétitif et étrange de cet oiseau ?
Non, je n’ai rien vu de l’été
ni le rire ni la soif.
L’été fut une journée répétitive
deux mois entrecoupée de rêves.
Mi-vivante mi-morte
j’ai enjambé ce jour
me menant à l’automne.
Le chemin j’en rêve,
le chemin est là,
marqué en un trajet invisible
que je parcours
sur lequel je fais et refais
la même marche,
inoubliable, invincible, éternelle.
Le chemin est le lieu espéré pour finir,
quand le corps de lui même
demandera de rejoindre cette terre là
Regards et rêves,
horizons et fuites
en un point sensé
cette gravité suspendue
une octave supplémentaire,
celle de la voix aimée.
le chemin n’est pas infini,
n’est pas éternel,
il s’assombrit déjà,
le cri des oiseaux s’estompe,
les feuilles disparues
dans la naissance d’un dernier jour,
reste la longue suite
des corps vivants errants
sur les talus noirs et gris du chemin.
L’ennui et la marche
cette ascèse
dans laquelle le temps s’oublie,
quel exil sera dorénavant
la plus belle aventure ?
S’isoler dans le chemin
oublier jusqu’au son de sa propre voix,
le silence ne nuit à aucune amitié mais les renforce :
la pierre et la feuille n’ont jamais autant dialogué
La vue est un trésor,
ce type de tableau mouvant qu’on veut garder en soi
pour toutes ses nuits sans rêves.
Un étalement ou se joint le vert profond et le bleu léger
Ce repère n’a pas d’âge
c’est pour cela qu’il vient te visiter
quand tu gardes les yeux ouverts.
L’endroit est un trou, espace inframince,
tu y camoufles toutes les vivaces
plantes , pensées, chardons et épines,
tu t’enfonces
dans la terre sombre et humide,
la mousse et la rouille,
un endroit pour recevoir
ce qui dorénavant n’ a plus de lieu
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C’est un son qui incendie
il s’empare de tous les mots
et les crache en jets.
A terre sur le sol , en un tas,
innocentes les lettres s’organisent
en une longue phrase qui dit
la lassitude d’être ici ou ailleurs.
Il me faudra demain
un champ inconnu
pour aimer cette heure là, longue et mouillée.
Prairie blanche ou verte qui m’avalera.
On ne peut pas mourir
dans l’accélération de la ville
La solitude est cette pierre noire
qui coupe et déchire le paysage.
La courbe de ce chemin,
à travers l’opacité des jours.
Cette promesse,
un cri que seul le paysage entend.
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Sur le chemin
au centre des pierres blanches,
son petit corps chaud couché,
œil fermé, ailes repliées.
Est-ce le sommeil ou l’obscurité ?
Il faut faire fuir les mouches
et les sanglots solitaires
Oiseau, oiseau pourquoi pleures tu ?
Toute la journée
le fantôme à nouveau joyeux et virevoltant
m’accompagne et me déchire
S’asseoir et entendre
l’un après l’autre
les vents qui frôlent
et avalent les peines.
C’est une tirade
que l’on chuchote aux réverbères
sous la lumière sinueuse et crue.
La ville est muette
le chemin là bas est vide
de tous les sons qu’apportent le soir.
Le vol d’un rapace au loin,
le craquement des pas
qui accompagne son cri répétitif
Marcher ici c’est être là bas.
Le chemin s’agrippe
s’impose comme une mélodie
qu’il faut découvrir
jusqu’au son parfait.
Pas un seul visage
s’attarde dans le chemin,
tous s’inclinent et gardent
cette limite infranchissable.
Au loin dans le soleil froid
la blancheur inventée
d’une maison enflammée sur la colline.
Le son des cailloux partagés
dans un instant de marche
et les visages disparus aussi.
Alors dans la solitude retrouvée
s’invite des histoires d’amour et de mendiants
Il y a toutes les heures,
tous les jours,
l’attente et autres supercheries.
Certains matins de brume,
l’eau sculptée en gouttelettes se tendent
dans le creux et les nids du chemin.
Les multiples broderies invisibles
tout à coups sont là
et envahissent la prairie.
L’on croyait tout connaître
et s’ouvre l’autre bord de la transparence,
une brèche qui nous jette
dans le chaos fécond de mondes épars
La face écrasée,
sentir l’humeur de la terre,
les forces durables qui s’accomplissent.
Le néant aussi est l’objet de notre désir.
Puisque tout du chemin
semble identique,
le temps n’avance rien,
ne déjoue rien,
juste s’effiloche.
Mais les reculs,
le crépuscule,
l’or du matin,
explosent chaque similitude
et ce n’est jamais le même paysage
ses métamorphoses brouillent
la vue en un cristal immobile
Ouvrir des portes,
passer à travers les murs,
parler avec l’écorce d’un chêne centenaire,
avaler des pierres tranchantes.
Dans la prairie seuls quelques papillons
détiennent les secrets
et à l’instant même de leur mort
les utilisent en un souffle.
Un baiser frissonnant
marche funèbre
recueilli par la prairie.
Le passé est cette torsion
d’un corps enflé
sans contre partie.
Rien ne pousse
au fond de cet argile
de larmes et de morve.
En plein midi,
résonne les longs sanglots
puis plus rien,
le vent les pousse dans les ronces.
La où flotte la consolation,
le remède pas cher et souillé,
se dresse droit et offensif .
Nuit,
que pense l’arbre solitaire du chemin ?
Respire t’il l’aube pour croire en l’éternité ?
Au moment ou le paysage revient,
les mots se projettent
en une pellicule recouvrant
toutes les surfaces plates et blanches.
Une union incantatoire et secrète.
Trop de ciel dans l’horizon,
des traits vifs et nerveux, des étincelles silencieuses.
La marche ralentie aux abords du grand cimetière,
des rêves perdus, des étoiles,
au loin la ville brise le temps,
le vent s’attarde et avale les tombes
La feuille attachée à l’arbre fini par s’envoler
L’ombre est vaste,
le cri d’un volatile comme l’appel dans un désert vert.
un animal l’observe et souffle.
La nuit tardive,
qui s’approche inventive et sourde.
Il y a un milieu certain sur le chemin.
Le soleil inonde en flamme
l’horizon est devenu noir.
Il ne reste plus de ciel,
juste le superflu d’un jour qui s’attarde.
Des ressources vives rouges, noires, vertes.
Tendre la main vers les branches, talus, buissons.
Saisir comment tout à bien pu commencer.
Le plaisir et la liberté incomparables.
Etre vivante